L'analyse de 133 génomes d'hépatiques révèle des mécanismes ancestraux d'adaptation des végétaux à la vie terrestre
Thèmes : évolution, végétaux et milieux de vie
L’adaptation des plantes à la vie terrestre, commencée il y a environ 450 millions d’années, a été largement étudiée chez les angiospermes, mais peu chez les hépatiques qui sont un groupe apparenté aux brophytes (les mousses). Pourtant, les hépatiques et les bryophytes sont des phyla bien plus anciens et pourraient nous apporter des informations évolutives intéressantes.
L’étude menée par Beaulieu et al. publiée dans Nature Genetics explore la diversité génomique de Marchantia polymorpha, l'hépatique des fontaines, pour mieux comprendre les mécanismes ancestraux d’adaptation des plantes au milieu terrestre.
Corbeilles à propagules à la surface du thalle de Marchantia polymorpha. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9patique_des_fontaines |
Après séquençage haut débit, les auteurs ont analysé 133 génomes répartis dans les trois sous-espèces : ssp. ruderalis, ssp. polymorpha et ssp. montivagans et établi ce que l'on appelle un pangénome. Le pangénome d'une espèce comprend trois composantes principales : le génome central (core genome) avec l'ensemble des gènes présents dans tous les individus d’une espèce qui représente les fonctions essentielles à la survie (ex. : réplication, métabolisme de base), le génome accessoire (accessory genome) avec les gènes présents dans certains individus seulement, mais absents chez d'autres, souvent liés à des adaptations locales, à la réponse au stress, ou à des interactions environnementales et le "génome nuage" ou rare (cloud genome) avec les gènes présents dans très peu d’individus (parfois un seul), souvent issus de mutations récentes.
Origine des 133 génomes étudiés. Source : https://www.nature.com/articles/s41588-024-02071-4 |
Les chercheurs ont identifié 3 965 gènes soumis à des forces sélectives (qui ne font pas qu'accumuler des mutations neutres) qui incluent notamment des peroxydases, des récepteurs de type NLR (nucleotide-binding leucine-rich repeat), et des protéines PR5, impliquées dans la réponse au stress biotique et abiotique. Fait notable, plusieurs de ces familles géniques montrent les mêmes signatures de sélection que chez les angiospermes Arabidopsis thaliana et Medicago truncatula, suggérant que ces mécanismes adaptatifs sont ancestraux et ont été conservés au cours de l’évolution des plantes terrestres. Le milieu aérien a constitué un véritable défi pour des végétaux d'origine aquatique et ces mutations partagées constituent sans doute une signature des adaptations nécessaires à cet environnement "hostile".
Une analyse des associations génome-environnement (GEA) a mis en évidence plusieurs loci liés à des variables climatiques telles que la température et la précipitation. Parmi eux, le gène Mp8g04680, codant pour une kinase atypique ABC1K, montre une forte sélection associée à des gradients environnementaux. Ce gène est orthologue de ABC1K7 chez Arabidopsis, impliqué dans la réponse au stress oxydatif, ce qui suggère une fonction conservée en lien avec l’adaptation à un milieu riche en oxygène.
L’enrichissement de protéines avec des domaines de type lectine fongique dans le génome des hépatiques étudiées suggère fortement des événements de transfert horizontal de gènes depuis des champignons. Cependant, les gènes codant ces protéines ne sont pas présents dans tous les génomes de Marchantia polymorpha (ils font partie du génome accessoire parmi le pangénome). Les auteurs ont cependant retrouvé ces gènes chez certaines espèces fougères ce qui suggère soit que ce transfert horizontal s'est fait plusieurs fois au cours de l'évolution, soit que ce transfert s'est fait une seule fois avant la séparation entre les Trachéophytes (dont font partie les fougères) et les Bryophytes et que ces gènes ont été ensuite perdus sauf dans certains phyla. Les auteurs privilégient la dernière hypothèse, et mentionnent que ce transfert horizontal depuis des champignons a pu contribuer à l'adaptation des premiers végétaux au milieu terrestre, d'autant plus que l'expression de ces gènes est augmentée en cas de sécheresse.
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