Production de gamètes femelles à partir de cellules souches pluripotentes mâles

 Thèmes : reproduction, gamétogenèse, détermination génétique du sexe

Les cellules germinales sont des cellules particulières qui permettent la transmission du matériel génétique à travers les générations et la survie de l'espèce. Elles sont à la fois différenciées et avec une totipotence "latente" qui se révèle lorsqu'un gamète mâle et un gamète femelle se réunissent lors de la fécondation. Chez les Mammifères, les cellules germinales primordiales, dont sont issus les gamètes, sont induites dans des tissus extraembryonnaires de manière équivalente chez les mâles et les femelles et ce n'est qu'ensuite que les chromosomes sexuels interviennent pour différencier ovocytes et spermatozoïdes.

Depuis quelques années, les équipes de recherche qui travaillent avec les cellules souches pluripotentes (cellules embryonnaires souches (ES) ou cellules pluripotentes induites (iPS)) ont réussi à les faire différencier en cellules germinales in vitro. Les chercheurs japonais  qui viennent de publier un article dans Nature, ont réussi l'exploit de produire des ovocytes à partir de cellules ES (et aussi de cellules iPS) qui provenaient de souris mâles. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur un défaut qui apparait fréquemment dans les cultures des cellules souches pluripotentes : la perte de chromosomes (ou aneuploidie). En effet, à moyen/long terme, le maintien de ces cellules dans des conditions stimulant leur prolifération peut aboutir à des modifications d'ampleur de leur génome. Dans leurs travaux, les chercheurs ont sélectionné les cellules qui ont perdu leur chromosome Y (cela est arrivé dans 6% des cellules, un des évènements les plus fréquents de perte de chromosome car le chromosome Y est assez petit et une cellule avec un seul chromosome sexuel (X en l'occurence) est tout à fait viable contrairement à d'autres pertes de chromosomes).


D'après Nature 615, 805-807 (2023)

Le nombre de chromosome X a été ensuite doublé par traitement avec la réversine, une molécule qui perturbe les points de contrôle lors du cycle cellulaire. Les cellules ES (désormais XX) ont été ensuite soumises au protocole de différenciation en ovocytes qui implique des co-cultures avec des cellules provenant d'ovaires de foetus de souris (on ne connait pas encore bien et on ne sait pas "mimer" in vitro les signaux échangés entre les cellules folliculaires et les cellules germinales). Des ovocytes ont pu être obtenus, ce qui n'est jamais le cas avec des cellules ES XY soumises au même protocole. Ces ovocytes ont pu être fécondés avec des spermatozoïdes et après réimplantation dans une mère porteuse, les embryons obtenus ont pu donner des souriceaux normaux. 

Cependant, la procédure nécessite encore des améliorations : seulement 30% des lignées de cellules ES devenues XX ont donné des ovocytes matures normaux dont seulement 40% ont réussi à être fécondés. Et seulement 1% des embryons réimplantés ont donné des souriceaux viables. Il ya donc encore beaucoup de chemin à parcourir pour d'éventuelles applications à l'Homme. En attendant, cette technique facilitera la production de souris à faible niveau d'hétérozygotie (en fécondant un ovocyte issu de cellules iPS d'une souris XY avec les spermatozoïdes de cette même souris) et également pourrait permettre de sauver une espèce en danger à partir d'un seul mâle (au prix d'une baisse drastique de la diversité génétique).



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