L'ensemble des connexions nerveuses d'un cerveau de larve de drosophile a été cartographié

 Thème : système nerveux, cerveau

Le cerveau humain et ses 85 milliards de neurones avec chacun capable de former des centaines voire des milliers de synapses apparait comme l'une des structures les plus complexes du système solaire. Des cartographies à faible résolution existent mais il s'agit ici de connaitre les connexions de chaque neurone individuellement : le connectome. Par ailleurs, tout comme pour le séquençage complet du génome, les variations individuelles peuvent être importantes à cette échelle (du fait de la plasticité synaptique) et il faudra en tenir compte.

Avant d'espérer cartographier toutes les connexions ne serait-ce que d'une région précise (comme le cortex moteur par exemple), il s'agit de développer des outils sur des modèles plus simples.

C'est ce qu'ont fait des chercheurs de l'Université de Cambridge (Royaume-Uni) qui ont cartographié l'ensemble des connexions des 3013 neurones des ganglions cérébroïdes ("cerveau") de la larve de drosophile (soit 544 000 synapses). Pour ce faire, ils ont utilisé 4841 coupes fines de cerveau observables au microscope électronique et utilisé des programmes de reconstruction 3D.

Reconstitution 3D de l'ensemble des neurones du cerveau de la larve de drosophile. On voit notamment leurs prolongements vers la chaîne nerveuse ventrale. Source : https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.11.28.516756v1

Cartographie des neurones sensoriels avec les afférences en provenance de la périphérie (input), les neurones qui traitent de l'information directement (2nd-order) et les neurones que ces derniers contrôlent (3rd-order). Source : https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.11.28.516756v1

Le précédent record était détenu depuis 2020 par le connectome des 1500 neurones de la larve d'un Annélide Polychète, Platynereis dumerilii. Avant cela, c'était le nématode Caenorhabditis elegans et ses 302 neurones associées en 7000 synapses qui avaient été cartographiés.

La larve de drosophile est capable d'adapter son mode de locomotion à son environnement et même d'avoir des formes de mémoires associatives qui influencent son comportement. Le connectome va permettre de mieux comprendre ces adaptations fonctionnelles "complexes". Le modèle drosophile est aussi justifié par la disponibilité de nombreux outils génétiques (notamment optogénétiques qui permettent de dépolariser ou d'hyperpolariser des neurones bien précis) et des outils électrophysiologiques.

Il va falloir attendre un peu avant d'avoir la connectome du cerveau de l'imago (adulte) de la drosophile. Il contient 135 000 neurones environ, donc le défi est nettement plus difficile que chez la larve. Des coupes fines pour observation en microscopie électronique de l'ensemble du cerveau existent et constituent un point de départ indispensable. Le connectome de la larve pourra également servir car les ganglions de l'adulte dérivent des ganglions de la larve et on sait que certains circuits sont conservés. Néanmoins, au cours de la métamorphose, les modifications sont importantes et la comparaison du connectome entre larves et adultes sera riche en enseignements.

Une fois de plus, comme avec le séquençage total des génomes, il ne faudra pas attendre de "miracles" des connectomes. Car la cartographie ne donnera que peu d'informations sur les circuits les plus utilisés par rapport aux circuits activés plus rarement. Sans études fonctionnelles, la majorité des connexions n'aura pas de fonction précise assignée et également la "force" des connexions modulées par des mécanismes comme la LTP (Long Term Potentiation) ou LTD (Long Term Depression) ne pourra pas être directement appréciée.

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