Un paléoenvironnement vieux de 2 millions d'années reconstitué grâce à de l'ADN ancien

 Thème : climat, écosystème, biodiversité, ADN

L'ADN ancien vient de repousser les limites de son exploitation de 1 million d'années ! Jusqu'à présent, les plus vieux ADN séquencés dataient d'un million d'années environ et provenaient de dents de mammouth extraits du sol sibérien ou de diatomées provenant de sédiments prélevés en Antarctique. Une équipe de chercheurs anglais et danois qui viennent de publier leurs travaux dans Nature ont pu utiliser des fragments d'ADN datant de 2 millions d'années pour caractériser un paléoécosystème dans le Groenland. Ces fragments ont été retrouvés dans des sédiments préservés dans le pergélisol au nord de l'île. Les chercheurs ont récolté un véritable puzzle de plusieurs millions de fragments, certains pas plus longs que quelques dizaines de paires de bases, qu'il a fallu analyser.

Localisation du site de prélèvement des fragments d'ADN datant de 2 millions d'années.


Grâce au séquençage de cet ADN, les chercheurs ont pu ainsi mettre en évidence la présence de forêts de peupliers, de bouleaux et de thuyas et une faune composée de limules, de rennes, de lièvres, de cygnes, d'oies et même de mastodontes (Proboscidien qui ressemble à un mammouth mais qui appartient à une autre famille). 

Reconstitution du paléoenvironnement du nord du Groenland il y a 2 millions d'années. Source : https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/12/07/le-groenland-d-il-y-a-deux-millions-d-annees-devoile-par-l-adn-environnemental_6153393_3244.html

Des données indépendantes paléoclimatiques indiquent qu'à cette époque, il faisait 10°C plus chaud au Groenland qu'actuellement. La datation des échantillons a pu être faite par le paléomagnétisme des sédiments où ils ont été trouvés mais aussi en utilisant les séquences elles-même grâce à l'horloge moléculaire. Une partie de la flore de cette époque ne constitue pas forcément une surprise car elle était déjà connue grâce à des grains de pollen. La diversité de la faune mise en évidence par le séquençage ouvre par contre une fenêtre inédite sur ce paléoenvironnement. La présence de rennes a surpris les chercheurs car on croyait qu'ils étaient apparus plus tard au cours de l'évolution.

Avec cette avancée, c'est potentiellement une grande partie de l'histoire de la vie du Quaternaire (période de -2,58 Ma à actuellement) qui va pouvoir être étudiée non seulement avec des fossiles mais aussi par la génétique. Il reste néanmoins que l'ADN a été préservé dans un environnement particulier (très froid pendant une longue période) et qu'une telle étude ne sera sans doute jamais possible dans des climats tropicaux.

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