Une E. coli avec deux nouvelles lettres à l'alphabet de son ADN

Pour CAPES et Agreg
Thèmes : ADN, réplication, code génétique, biochimie



 Les 4 bases azotées de l'ADN (adénine A, thymine T, cytosine C, guanine G) et leurs appariements par paires Watson-Crick font partie de ce qui fait l'universalité du vivant (Aussi une pensée pour l'uracile (U) des ARN). Dans le détail, il en existe plus que cela si on inclue leurs variants "naturels" comme la cytosine méthylée (5-méthylcytosine) par exemple. Certains variants causés par divers agents physiques ou chimiques sont également connus et peuvent mener à des mutations. Des variants "artificiels" sont aussi utilisés comme agents anticancéreux en chimiothérapie (le 5-fluorouracil par exemple) et sont justement toxiques pour les cellules.

Des chercheurs américains dans des travaux publiés par Nature aujourd'hui ont utilisé une nouvelle paire de nucléotides avec bases azotées "artificielles" (d5SICSTP et dNaMTP) capables de s'apparier façon Watson-Crick sur deux brins d'ADN antiparallèles (propriétés connues depuis 2008). La grande nouveauté de leurs travaux est leur réussite à faire synthétiser par E. coli un ADN plasmidique contenant ces bases azotées en le faisant répliquer sans erreurs par la machinerie de réplication endogène. Les complexes de réparation des mutations ne semblent pas activés par cette présence étrangère dans l'ADN. La seule aide dont ont eu besoin les bactéries sont des transporteurs membranaires pour importer les nouveaux nucléotides (transporteurs issues d'une diatomée).

Ce genre de recherches de biologie synthétique est en pleine expansion actuellement (voir par exemple ceci). Le travail présenté ici peut servir à enrichir la quantité d'informations stockables dans de l'ADN (avec un code à 6 lettres au lieu de 4 lettres) alors qu'on envisage d'utiliser l'ADN comme alternative au stockage in silico de données. 


Source : http://www.prnewswire.com/news-releases/synthorx-launches-with-breakthrough-synthetic-biology-technology-258320551.html

L'étape suivante est aussi de faire exprimer aux cellules des protéines contenant des acides aminés "non classiques" codés par des nucléotides "artificiels", ce qui revient à avoir un code génétique enrichi. Cela implique que les cellules pourront non seulement avoir une bibliothèque (ADN) en langue étrangère mais aussi comprendre et "parler" cette langue étrangère. Il faudrait alors travailler sur les ARN de transfert et les aminoacyl-tRNA synthétases. Ces nouveaux acides aminés pourraient être des acides aminés fluorescents pour marquer directement les protéines ou des acides aminés qui deviendraient toxiques une fois incorporés dans une protéine pour tuer des cellules cancéreuses. Mais on en est encore loin...on ne sait même pas encore si les ARN polymérases lors de la transcription sauront se débrouiller aussi bien que les ADN polymérases lors de la réplication avec ces nouveaux nucléotides.

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