Utilisation de CRISPR-Cas9 pour éradiquer les vecteurs du paludisme

Thème : reproduction, parasite, génie génétique

Faire des manipulations génétiques sur les animaux en dehors de la recherche fondamentale est souvent mal vu (cas du saumon transgénique par exemple) mais il est un cas où c'est plutôt bien accepté par l'opinion : l'éradication des espèces vecteurs de pathogènes tels que les moustiques du genre Anopheles qui sont des vecteurs du parasite unicellulaire Plasmodium qui cause le paludisme (700.000 morts par an).

Divers stratégies avaient déjà été testées (voir ici par exemple) mais elle s'étaient avérées peu concluantes sur le terrain. Des chercheurs de l'Imperial College de Londres ont utilisé la technique CRISPR-Cas9 pour muter une partie du doublesex chez Anopheles gambiae. Ce gène est important pour la différenciation des organes sexuels et des caractères sexuels secondaires. L'ARNm de doublesex présente la particularité de subir un épissage alternatif différent selon le sexe de l'insecte. Seules les femelles conservent l'exon 5 et cet exon est indispensable au développement de leurs organes génitaux, à la production des œufs mais aussi à la différenciation des pièces buccales en stylets qui lui permettent de transpercer la peau humaine et de sucer du sang. 

 
Représentation schématique de pré-ARNm théoriques de doublesex avant épissage final de tous les introns, chez le mâle et la femelle d'Anopheles gambiae. L'exon 5 n'est conservé que chez la femelle. Cet exon contient un codon STOP ce qui limite la longueur de la protéine (la séquence codante est en noir). Chez le mâle, en absence de cet exon 5 la partie C-terminale de la protéine est plus longue.


Les chercheurs ont donc muté par CRSIP/Cas9 les séquences qui permettent le maintien de cet exon 5. Les femelles homozygotes pour la mutation ne sont plus capables de piquer les humains et ne sont plus capables de produire des œufs. Les mâles, par contre, ne sont pas affectés et peuvent donc propager la mutation dans la population. 

 
On observe la production de larves lors de la reproduction de mâles ou de femelles mutées hétérozygotes (dsxF+/-) ou homozygotes (dsxF-/-) avec des moustiques sauvages. On voit que la femelle homozygote ne donne pas de descendance (source : https://www.nature.com/articles/nbt.4245 )



Des expériences en cage ont montré qu'en 8 à 12 générations, la population de moustique s'effondre car il n'y a plus de femelles fertiles.



Les précédentes stratégies avaient échoué car des gènes de résistance étaient apparues ou les constructions qui avaient été introduites dans les génomes avaient été perdues. Ici, le gène doublesex est tellement fondamental qu'il est peut probable que des compensations apparaissent. Des essais à plus grande échelle sont prévus bientôt. Et cette stratégie pourrait s'appliquer à d'autres insectes nuisibles car l'importance du gène doublesex est largement répandue chez les Hexapodes.

Voir article scientifique

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