Les régions hadales, c'est-à-dire les zones océaniques les plus profondes (souvent au-delà de 6 000 mètres), restent parmi les environnements les plus inexplorés de la planète. Les scientifiques suspectent qu’elles abritent des communautés basées sur la chimiosynthèse — des écosystèmes où la vie est soutenue non par la lumière solaire mais par l’énergie chimique disponible dans des fluides riches en méthane ou sulfure d’hydrogène —, comme c’est le cas près des sources hydrothermales au niveau des dorsales. Jusqu’à présent, ces communautés avaient été rarement documentées à de telles profondeurs : seules deux observations sporadiques avaient été faites dans la fosse du Japon, autour de 6 400–7 400 m, et des tapis microbiens avaient été aperçus dans la fosse des Mariannes à plus de 10 000 m, mais sans trace d’animaux associés.
Un article publié récemment dans Nature par les membres d'une expédition sino-russe en submersible habité révèle la découverte impressionnante d’écosystèmes florissants à près de 9 500 mètres de profondeur dans des fosses océaniques très profondes, où règnent obscurité totale, pressions colossales (jusqu’à 1 000 bars) et froid extrême. Ces fosses se situent au Kuril–Kamchatka et à l'ouest de la tranchée de l'Aleutien et les zones où des écosystèmes ont été observées s'étendent sur 2500 km. 19 des 23 plongées ont révélé des communautés vivantes, ce qui indique que cet écosystème est courant et très étendu.
Les points oranges correspondent aux régions où le submersible à trouver des communautés vivantes. Source : https://www.nature.com/articles/s41586-025-09317-z
Cet écosystème comporte des bactéries mais il y a aussi foison de vers tubicoles géants, d' holothuries, d'amphipodes et de Lamellibranches comme la bien nommée Abyssogena phaseoliformis...
Le sulfure d'hydrogène semble être la base de la production primaire. Le méthane joue aussi un rôle intermédiaire important. L’analyse isotopique suggère qu'il est produit par des bactéries à partir de matière organique déposée dans les sédiments des zones de subduction, confirmant un cycle géobiologique basé sur la chimiosynthèse.
La viabilité d’écosystèmes complexes dans ces conditions extraordinaire remet en cause notre vision sur les limites de la vie et élargit la frontière du possible pour la biodiversité terrestre. Les découvertes pourraient aussi ouvrir des perspectives en biotechnologie, médecine (matériaux résistants à la pression), et contribuer à mieux comprendre les cycles biogéochimiques et les effets du changement climatique sur les milieux profonds.
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