Thème : alimentation, métabolisme, éducation à la santé
Le fructose, souvent pointé du doigt pour son implication dans l’obésité et le diabète, s’invite massivement dans nos assiettes via les produits ultra-transformés et les sodas (voir la présentation de son métabolisme et de ses effets). Sa forte présence vient principalement du sirop de maïs à haute teneur en fructose, largement utilisé depuis les années 1970 dans l’industrie agroalimentaire, d'abord aux États-Unis puis ensuite dans tous les pays "industrialisés". Récemment, un article publié dans la prestigieuse revue Nature bouscule notre compréhension du rôle du fructose : ce sucre favoriserait la croissance des cancers selon un mécanisme biologique inattendu.
Des chercheurs de l’Université Washington à Saint-Louis (Missouri) ont d’abord observé qu’un régime riche en fructose accélère la croissance de différentes tumeurs implantées chez la souris. Plus frappant encore, ce surcroît de croissance tumorale s’accomplit sans prise de poids, ni élévation du glucose ou perturbation de l'action de l’insuline, écartant l’hypothèse d’une conséquence indirecte liée à l’obésité ou au diabète.
Contrairement au glucose, le fructose ne stimule pas, en laboratoire, la croissance des cellules cancéreuses mises en culture : il ne semble donc pas agir directement sur les cellules tumorales. Dans le corps, après ingestion, le fructose est métabolisé principalement par le foie. Or, ce dernier ne se contente pas de le transformer en glucose mais déclenche la production importante de certains lipides, en particulier les lysophosphatidylcholines (LPC), grâce à une enzyme appelée KHK-C (Ketohexokinase-C).
Ces lipides, transportés dans le sang, sont ensuite captés par les cellules cancéreuses. Ils sont utilisés pour générer des phosphatidylcholines, le principal phospholipide des membranes cellulaires qu'elles doivent produire en grandes quantités lors de leur prolifération. L'administration de LPC à des souris a suffi à accélérer la croissance tumorale. L'inhibition pharmacologique de la KHK-C n'a eu aucun effet direct quand appliqué seulement sur les cellules cancéreuses, mais elle a diminué les taux circulants de LPC et empêché la croissance tumorale induite par le fructose in vivo quand appliquée sur les cellules du foie.
Les expériences ont été menées sur des souris avec des tumeurs de mélanome, de sein et du col de l’utérus montrant qu'il s'agit là d'un mécanisme général et non pas particulier à tel ou tel cancer.
La découverte du rôle central du foie et des lipides LPC dans ce mécanisme ouvre potentiellement la voie à des traitements novateurs. Par exemple, bloquer l’enzyme KHK-C chez les patients limiterait la fabrication des LPC et ralentirait probablement la croissance tumorale. Des médicaments visant ce nouvel acteur pourraient ainsi compléter la prise en charge des personnes atteintes de cancer.
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