Dix ans après : le couple Juno et Izumo s'entend toujours très bien

 Il y a 10 ans, je vous parlais de cet article qui avait révolutionné notre vision de la fécondation chez les Mammifères en impliquant deux nouveaux acteurs essentiels : Juno sur la membrane plasmique de l'ovocyte et Izumo sur celle des spermatozoïdes. De plus, dans les ovocytes, après la fusion avec le premier spermatozoïde, le récepteur Juno disparaît de la surface de l'ovocyte ce qui mettait en évidence un nouveau mécanisme de blocage de la polyspermie. 

Source : https://phys.org/news/2016-08-methods-elucidation-fertilization-mechanism.html

Qu'a-t-on découvert sur ce couple depuis 10 ans ? 

* La structure 3D de Juno a pu être résolue grâce à la cristallographie. Juno fait partie de la famille des récepteurs au folate (la vitamine B9) mais elle ne possède pas la petite poche qui permet de fixer le folate, sans doute disparue au cours de l'évolution. Le tryptophane 62 dans sa séquence a été caractérisé comme crucial pour son interaction avec Izumo. Si ce tryptophane est remplacé par un autre acide aminé (alanine), la fécondation ne se fait pas.

Pour tester la fonctionnalité de différentes formes de Juno, les chercheurs ont réalisé une mutation perte-de-fonction dans l'ovocyte grâce à CRISPR/Cas9 puis ont injecté des ARNm des formes de Juno qu'ils souhaitent. La zone pellucide est enlevée et les ovocytes sont mis dans des conditions où le blocage de la polyspermie ne peut pas avoir lieu. On met les ovocytes en présence de spermatozoïdes et par marquage DAPI on observe si la fécondation a lieu ou non. La forme sauvage (WT) de Juno "sauve" la fécondation mais la forme avec une alanine à la place du tryptophane 62 ne la sauve pas. Source : https://www.nature.com/articles/ncomms12198

* Plus récemment, des chercheurs ont élucidé les interactions précises entre les acides aminés de Juno et ceux d'Izumo.

Multitude de liaisons faibles entre les acides aminés de Juno et ceux d'Izumo. Source : https://www.nature.com/articles/s41598-023-46835-0

* Des chercheurs ont pu mettre en évidence la co-évolution de Juno et d'Izumo chez les Mammifères grâce à des phylogénies basées sur leurs séquences respectives qui sont presque parfaitement en mirroir.

Arbres de comparaison des séquences d'Izumo (à gauche) et de Juno (à droite) chez différents Mammifères. Source : https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsos.150296

* On a découvert que Izumo a une activité de fusion de cellules indépendamment de Juno. Il peut faire fusionner deux cellules (même s'il n'est exprimé que sur une des 2 cellules) et cela même si aucune des deux cellules n'exprime Juno. Izumo reste par ailleurs actif s'il a une mutation qui le rend incapable de se lier à Juno. On voit donc qu'Izumo a sans doute un rôle plus large que la fusion spermatozoïde-ovocyte lors de la fécondation.

* On a découvert un partenaire pour Izumo du côté de la membrane plasmique du spermatozoïde avec lequel il forme probablement un complexe : SPAC6 (pour SPerm Acrosome Associated 6).

* On a découvert une protéine Izumo-like (qui ressemble à Izumo, possiblement son orthologue) chez le nématode Caenorhabiditis elegans impliqué dans la fécondation, suggérant que le rôle d'Izumo dans la fécondation chez les Mammifères n'est pas un cas isolé parmi les animaux.



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