La chromatine particulière des spermatozoïdes protège leur génome d'une méiose aberrante après la fécondation

 Thèmes : gamétogenèse, fécondation, génétique, épigénétique

Durant la différenciation des spermatozoïdes, le noyau prend une forme aplatie et effilée et la chromatine se condense. Elle échange 90% de ses histones contre des protamines (chez la souris, même 95%). Riches en arginine et en cystéine, les protamines sont capables d’établir entre elles des ponts disulfures et contribuent ainsi à une forte condensation de la chromatine. La transcription s’éteint complètement en conséquence.

Protamines accrochées à l’ADN. Les molécules de protamine se lient au grand sillon de l’ADN, rendent neutre le squelette phosphodiester (alors qu’il est habituellement chargé négativement) et provoquent l’enroulement des molécules d’ADN en structures toroïdales. Le modèle montre comment deux molécules de protamine (atomes bleus) s’enroulent autour de l’hélice d’ADN (atomes blancs). Source : https://genomebiology.biomedcentral.com/articles/10.1186/gb-2007-8-9-227

Une équipe de chercheurs de l'ENS de Lyon a pu montrer toute l'importance de cette structure particulière de la chromatine dans un article publié dans Science. Les chercheurs ont pris pour modèle la drosophile et étudié un mutant appelé paternal loss (pal), isolé dans un crible génétique des années 1970 mais non analysé à l'échelle moléculaire à l'époque. Ce mutant montre que l’enlèvement des histones de la chromatine des spermatozoïdes n’est pas essentiel pour la spermatogenèse, ni pour la fécondation mais est en revanche critique pour protéger les chromosomes paternels après la fécondation.

Les chromosomes paternels des mutants pal qui n'ont pas remplacé les histones H3 et H4 par des protamines sont anormalement reconnus par les protéines de l'ovocyte qui permettent de terminer la méiose. Rappelez vous que la fécondation se fait entre un spermatozoïde et un ovocyte bloqué en méiose (en métaphase I chez la drosophile, en métaphase II chez les Vertébrés) et que la fécondation déclenche la fin de la méiose. Les chromosomes paternels du mutant pal sont reconnus par erreur comme des chromosomes maternels et subissent une division méiotique aberrante qui entraine la fragmentation du pronucléus paternel et la perte de chromosomes au début du développement de l’embryon.

Pronuclei femelle et mâle dans le zygote d'une drosophile dont le père est sauvage (wt) ou mutant homozygote pal/pal. L'immunofluorescence en rouge marque une histone qui est quand même présente à l'état résiduel chez le pronucleus mâle sauvage (et chez le mutant pal). Chez le mutant pal, on constate que le pronucléus mâle s'est scindé en deux à l'issue d'une seconde division méiotique aberrante. Source : https://clarolineconnect.univ-lyon1.fr/clarolinepdfplayerbundle/pdf/7925638 


Jusqu'à présent, le remplacement des histones par les protamines avait surtout été interprété comme un moyen de compacter fortement l'ADN dans les spermatozoïdes qui se doivent d'être les plus petits et effilés possible pour gagner en mobilité. L'étude des chercheurs de l'ENS montre que ce remplacement a aussi un rôle de signature épigénétique qui permet au génome paternel de se distinguer du génome maternel lors des permières étapes après la fécondation.

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