Dix ans après : Des nouvelles du chromosome Y

 Il y a 10 ans, je vous présentais les dernières découvertes de l'époque concernant le chromosome Y. 

Chromosomes X et Y vus au microscope électronique à balayage

Le chromosome Y des Mammifères est un chromosome très réduit par l'Evolution. Issu avec le chromosome X d'une paire de chromosomes autosomes "classiques", le chromosome Y a perdu 1393 de ses 1438 gènes initiaux. L'étude publiée dans Science il y a 10 ans a montré que seuls deux des gènes restants sont vraiment indispensables pour pouvoir se reproduire en tant que mâle... avec l'aide tout de même d'une intervention médicale. 

Le premier gène indispensable code bien entendu le facteur de transcription SRY qui active la cascade génétique aboutissant à la formation d'organes sexuels mâles (via action de l'hormone anti-müllerienne et de la testostérone). Signalons que SRY est codé par le gène qui a donné initialement son originalité au chromosome Y : les chromosomes sexuels sont issus de chromosomes autosomes et sur l'un des chromosomes le gène Sox3 a évolué en SRY (sur le futur chromosome Y) il y a environ 300 millions d'années tandis que l'autre gène sur le futur chromosome X est resté Sox3. L'autre gène indispensable code Eif2s3y qui permet de former des spermatides dits "ronds" après la méïose. Ensuite, on peut très bien réaliser une ROSI (ROund Spermatid Injection) où on injecte directement le spermatide dans le cytoplasme de l'ovocyte et qui est un dérivé de l'ICSI (injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes). Tous les autres gènes du chromosome Y sont donc virtuellement inutiles pour se reproduire (les autres gènes indispensables étant sur les autosomes) si on se met dans un cadre médical. Cela a apporté un espoir pour la thérapie génique.

Que s'est-il passé depuis au sujet de la génétique du chromosome Y ? Comme je vous l'expliquais ici en 2021, malgré sa petite taille, le chromosome Y était un des derniers fragments du génome humain à résister à un séquençage vraiment complet. Aujourd'hui son séquençage a été enfin terminé et ces travaux ont été publiés en août 2023

En plus de la séquence complète du chromosome Y, une seconde étude portant sur les séquences de 43 chromosomes Y d’humains de tous les continents dont le dernier ancêtre commun a vécu il y a 180.000 ans a été publiée. Cette analyse révèle qu’au cours de l’évolution, la taille et la structure du chromosome Y ont beaucoup varié. De grandes inversions de séquences (des fragments d’ADN retournés et insérés à l’envers) ont notamment été mises en évidence. La frontière entre les régions du chromosome Y homologues et non homologues à des régions du chromosome X s'est déplacée de 500 kb au cours de l'évolution d'H. sapiens

Le chromosome Y continuera-t-il à régresser de taille à l'avenir ? Outre l'argument des gènes indispensables à la reproduction de l'espèce, on s'est aussi rendu compte récemment que des gènes sur le chromosome Y protègent le coeur. Des pertes en mosaïque du chromosome Y peuvent avoir lieu dans le cellules hématopoïétiques et une étude de 2022 montre que les macrophages ne possédant pas de chromosome Y induisent la formation de fibrose dans le coeur et qu'une plus grande portion de macrophages ayant perdu leur chromosome Y peut être associée à une plus grande mortalité à cause de problèmes cardiovasculaires. Cet effet pourrait freiner la tendance évolutive à la diminution du chromosome Y qui semble encore avoir de beaux jours devant lui.




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