L'évolution des plantes vertes s'est faite par des sauts rapides suivis de périodes de stabilité

 Thèmes : évolution, phylogénie, végétaux

Le spectre de la diversité biologique n'est pas continu, mais se compose de groupes d'organismes similaires partageant un même plan corporel. Les classifications taxonomiques classiques reposent largement sur ces discontinuités. Cependant, ces discontinuités dans la structure des organismes ne sont pas seulement des outils mais sont intéressantes en soi à étudier car elles sont une fenêtre sur les mécanismes macroévolutifs. 

Les archives fossiles animales nous montrent en outre que la diversité phénotypique n'est pas uniformément répartie au fil du temps. De nombreux groupes atteignent une diversité maximale tôt dans leur évolution et les variations d'ampleur plus tardives sont rares. Mais ce schéma macroévolutif est-il aussi valable dans le règne végétal ? 

Dans un article paru dans Nature Plants, des chercheurs britanniques ont compilé des données concernant 548 traits phénotypiques provenant de 248 taxons de plantes vertes actuelles et fossiles (soit 131.280 points). Ils ont ensuite analysé ces données pour comprendre les disparités à l'intérieur d'un taxon (les Gymnospermes par exemple) mais aussi entre les taxons et expliquer la raison du "vide phénotypique" entre les taxons.

Espace virtuel à deux axes qui rend compte le mieux des différences entre les taxons étudiés dans cette étude. Source : https://www.nature.com/articles/s41477-023-01513-x

Si les plantes vertes se sont comportées comme les animaux et que l'hypothèse de la disparité initiale maximale est vraie, alors les taxons doivent établir les limites de "l'occupation morphospatiale" au début de leur histoire évolutive et la diversité ultérieure doit rester largement confinée à ces premières limites. Et c'est ce qui a été observé par les chercheurs; confirmant la similarité macroévolutive de l'évolution des plantes vertes avec celle des animaux. 

Par ailleurs, les chercheurs ont bien visualisé un équivalent de l'"explosion cambrienne" des animaux pour les plantes vertes : elle a eu lieu entre 500 et 450 millions d'années qui correspond à la conquête du milieu aérien par les plantes vertes à l'Ordovicien. Beaucoup des paramètres étudiés par les chercheurs ont connu des modifications importantes à cette période.

La courbe représente l'évolution des distances moyennes pour les différents paramètres étudiés entre les taxons. On distingue une très nette accélération à l'Ordovicien lors de la sortie des eaux et la conquête des continents des plantes vertes. Notez aussi que l'apparition des Angiospermes a été aussi une période riche en innovations. Sourcehttps://www.nature.com/articles/s41477-023-01513-x

En ce qui concerne le "vide" entre les taxons, l'analyse des chercheurs supporte une évolution rapide avec un nombre faible d'espèces "intermédiaires", ce qui veut dire que le "vide" ne vient pas du fait que de nombreux taxons intermédiaires ont rapidement disparu au cours de l'évolution, supplantés par des taxons plus perfectionnés mais que le nombre de taxons intermédiaires a été très faible dès le départ. C'est en accord avec la théorie des équilibres ponctués développée par Stephen Jay Gould et Niles Eldredge dans les années 1970. 

Qu'est-ce qui a permis ces "sauts quantiques évolutifs" ? Les auteurs citent les duplications génomiques qui permettent de dégager rapidement des innovations génétiques avec les deux exemplaires d'un gène qui divergent et se spécialisent. Il y a aussi les nouveaux caractères eux-mêmes qui sont porteurs de changements importants, quelque fois liés à des changements de milieu (passage au milieu aérien) et induisent rapidement des modifications profondes du fonctionnement physiologiques (apparition de tissus vasculaires, de vraies feuilles) et de la reproduction (apparition des graines puis des fleurs). 


Commentaires