Dix ans après : la thérapie chromosomique pour soigner la trisomie 21 n'a pas beaucoup avancé

 Dix ans après...

Il y a dix ans, je vous présentais un article de Nature sur les prémices d'une thérapie chromosomique (et non pas seulement génique) pour la trisomie 21. Il s'agissait de détourner les mécanismes de condensation du chromosome X présents chez les femmes pour mettre en sourdine l'un des 3 chromosomes 21. 

L'ajout du gène Xist sur l'un des chromosomes 21 et l'activation de son expression par la doxycyline provoque la condensation de ce chromosome qui forme un corps de Barr (nom donné habituellement au chromosome X très condensé du génome féminin). Source : https://doi.org/10.1016/j.celrep.2022.111174

L'équipe de recherche qui avait mené cette étude avait travaillé sur des cellules iPS qu'elle différenciait en neurones et où des effets de la trisomie avait pu être corrigés par l'expression du gène Xist qui condense l'un des chromosomes 21 comme il le fait d'habitude sur l'un des chromosomes X. Depuis 10 ans, l'équipe de recherche a aussi travaillé sur les effets de la condensation forcée d'un chromosome 21 de trisomique lors de la différenciation des iPS en cellules endothéliales qui bordent les vaisseaux sanguins et s'est rendu compte que la trisomie provoque un retard dans la formation des vaisseaux (angiogénèse). Ces modifications peuvent expliquer certains des aspects pathologiques de la trisomie 21.

L'équipe s'est mise à travailler sur des organoïdes corticaux qui sont effectivement l'innovation majeure de cette décennie en matière d'étude du développement neuronal in vitro. Pour l'instant, la variabilité "naturelle" entre les lignées de cellules iPS masque les effets de la trisomie lors du développement des organoïdes et des progrès techniques sont à faire de ce côté.

Côté thérapeutique, j'écrivais en 2013 que "le chemin est encore long car il est évidemment illusoire d'espérer remplacer toutes les cellules d'un patient, sauf si on agit très tôt au cours du développement embryonnaire ce qui apparait complexe. On peut imaginer une approche plus limitée avec l'ajout de quelques cellules saines dans des tissus-clés qui pourraient limiter les symptômes." Eh bien, pour le moment on en est resté là. L'idée d'inactiver tout le troisième chromosome 21 est évidemment très séduisante mais en pratique ce sera très difficile. C'est une illustration des espoirs souvent déçus des "bonnes idées" théoriques et de la grande patience qu'il faut avoir du côté des chercheurs comme du côté des malades pour voir les recherches aboutir à des effets concrets.

Par ailleurs, vous pouvez regarder une excellente conférence sur les mécanismes de l'inactivation du chromosome X ici.

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