La chute des populations d'Amphibiens provoque des vagues de propagation du paludisme

Thème : biodiversité, parasitisme, transmission des maladies infectieuses

Le concept de One Health, « une seule santé », qui gagne en popularité ces derniers temps est une prise en compte pluridisciplinaire de l'interdépendance entre la santé des écosystèmes sauvages, des animaux d'élevage et de la santé humaine. Les zoonoses, des maladies qui se transmettent des animaux sauvages et/ou domestiqués aux humains sont des exemples classiques pour appuyer ce concept. De même que les cycles parasitaires où un hôte est l'Homme et l'autre hôte est un animal (sans toutefois que l'animal soit "malade") comme le cycle de Plasmodium, un unicellulaire responsable du paludisme.

Un article qui vient de paraître dans Environmental Research Letters renforce encore ces liens en mettant en évidence la relation entre l’effondrement d’une population animale (l’hécatombe provoquée par le champignon Batrachochytrium dendrobatidis (Bd) qui envahit et fragilise la peau des Amphibiens) et une crise sanitaire humaine (le paludisme qui est responsable de 620 000 morts en 2020).

Les travaux ont été menés par un groupe de chercheurs américains panaméens et sud-africains au Costa Rica et au Panama. Le champignon y a commencé à infesté les Amphibiens à partir des années 1980 provoquant la disparition de 90 espèces et mettant en péril 400 autres espèces. Sa propagation est bien documentée, partant du nord-est du Costa Rica pour ensuite atteindre le sud-ouest puis ensuite le champignon a envahi les grenouilles panaméennes. Les Amphibiens adultes se nourrissent essentiellement d'insectes et notamment d'anophèles, vecteurs du paludisme. 

Propagation du déclin des populations d'Amphibiens au Costa Rica et au Panama. Source : https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac8e1d/meta


Les chercheurs se sont penchés sur les registres où sont répertoriées les maladies sur les différents territoires. Ils ont pu constater que chaque hausse épidémique dans une région suivait l'apparition locale de la maladie causée par le champignon chez les Amphibiens et se maintenait pendant plusieurs années. Le pic de la vague de paludisme a eu lieu en moyenne 6 ans après l'arrivée du champignon sur un territoire donné : à ce moment là, la prévalence du paludisme était en moyenne multipliée par 5 par rapport à la période avant l'arrivée du champignon. Les mesures prises par les autorités sanitaires (utilisation d'insecticides et de moustiquaires) ont permis ensuite de faire reculer les infections.

Nombre de cas de paludisme au Costa Rica et au Panama. Les pics sont situés en moyenne 6 ans après l'arrivée du champignon Batrachochytrium dendrobatidis mortel pour les Amphibiens sur le territoire. Source : https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac8e1d/meta

Le "chaînon manquant" dans les données est une étude sur les populations d'anophèles ce que les chercheurs n'ont pas pu faire rétrospectivement. Néanmoins, les corrélations sont fortes et d'autres études ont montré les effets des populations d'Amphibiens sur les populations d'Insectes.

Voilà donc une nouvelle illustration du concept de "One Health" qui nous montre que la propagation de maladies humaines sont directement dépendantes de la bonne santé des écosystèmes. Une raison de plus d'en prendre soin.



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