Mise en évidence d'une forte corrélation entre le taux de mutation et la durée de la vie chez les Mammifères

 Thèmes : génétique, ADN, cancer

Les cellules tumorales sont générées par accumulation de mutations au cours de la vie. De ce constat, il découle logiquement que les organismes qui ont une durée de vie plus longue et un nombre de cellules plus grands devraient avoir plus de cancers que les organismes qui vivent moins longtemps et avec moins de cellules. Or ce n'est pas ce que l'on observe : c'est ce que l'on appelle le paradoxe de Peto (d'après le nom de Richard Peto, un chercheur qui l'a mis en évidence dans les années 1970).

Dans un article publié dans Nature en Décembre 2021, des chercheurs de l'Université de Montpellier ont mieux caractérisé le paradoxe de Peto qui n'avait été constaté que de manière générale et empirique. Ils ont comparé la durée de vie et les pathologies de 191 espèces de Mammifères de divers zoo et ils ont effectivement constaté que les espèces à durée de vie longue n'ont pas une plus grande probabilité de mourir de cancer que les espèces à durée de vie courte.

Un autre article de Nature publié en Avril 2022 en explique les mécanismes. Les chercheurs ont mesuré le taux de mutation dans 16 espèces de Mammifères et ils se sont rendu compte que ce taux était élevé pour les espèces à vie courte et relativement faible pour les espèces à vie longue, ce qui fait que la "charge mutationnelle" à la fin de la vie est similaire que ce soit pour une souris au bout de 2 ans ou un humain au bout de 80 ans.

Charge mutationnelle en fonction de l'âge chez différentes espèces de Mammifère. Source : Nature 604, 435-436 (2022)

Pour mesurer ces taux de mutation, les chercheurs se sont intéressés aux cellules de la paroi intestinale qui sont régulièrement et rapidement renouvelées (tous les 5 jours) grâce à une population restreinte de cellules souches dans les cryptes intestinales (voir cette page et la partie sur le renouvellement des cellules intestinales). Prélever à différents moments de la vie d'un individu des cellules de la paroi intestinale et séquencer leur génome permet indirectement de suivre l'évolution des mutations dans les cellules souches. Les conclusions sont les suivantes : le nombre de mutation augmente linéairement au cours du temps et il n'y a pas de "fatigue" constatée des systèmes de réparation avec l'âge. Le type de mutations (délétions, additions, changements de nucléotides...) ne varie pas entre espèces, par contre le taux de mutation est très variable : en 1 an, une souris accumule 796 mutations en moyenne tandis qu'un humain en accumule 47, soit un taux près de 17 fois inférieur chez l'Homme ! 

Reste à trouver les mécanismes protecteurs des espèces à longue vie par rapport aux espèces à vie courte. Le taux métabolique est très élevé chez les petites espèces, notamment en liaison avec la thermorégulation. L'activité métabolique peut générer des agents mutagènes (notamment les espèces réactives de l'oxygène), ce qui peut en partie expliquer ce qui est observé. Egalement, la protection contre les mutations peut être renforcé chez les espèces à longue vie. Par exemple, les éléphants ont de multiples copies du gène "gardien du génome" p53 et aussi des gènes codant les facteurs LIF qui agiraient ici en tant que suppresseur de tumeur (voir cet article).


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