Le séisme de Tohoku du 11/03/2011 a provoqué un "tsunami" de fluides hydrothermaux au pied du Mont Fuji, distant de 400 km de l'épicentre

Thèmes: séismes, volcans, surveillance des phénomènes géologiques

A la suite d'une séisme, les ondes générées se propagent dans les roches à une vitesse dépendant des propriétés de ces roches. Cependant, la vitesse de propagation n’est pas toujours constante au sein d'une roche et peut varier selon l’orientation principale de ses cristaux ou en fonction de la présence de fracturation et d’inclusions fluides dans un même axe d’orientation. C’est ce qu’on appelle l’anisotropie sismique. Elle peut être mesurée et caractérisée par une amplitude et une direction, qui dépend des forces tectoniques prédominantes dans la région.

Source : http://www.gm.univ-montp2.fr/spip/spip.php?article201
 
Des changements dans ces vitesses sismiques, et donc de l’anisotropie sismique, au sein d’une zone donnée peuvent donc mettre en évidence des changements de conditions et d’orientations de microfractures dans le sous-sol et ainsi imager des modifications profondes de la croûte terrestre.

Dans une étude publiée dans Nature Communications fin 2019, une équipe internationale, menée par des chercheurs de l’Institut Physique du Globe de Paris a cherché à mieux comprendre les processus en jeu dans les régions volcaniques avant et après le mégaséisme du Tohoku de magnitude Mw=9.0, qui s’est produit au Japon le 11 mars 2011 (et à l'origine de l'accident nucléaire de Fukushima).

Contexte géologique et paramètres du séisme . Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:USGS-Poster-Tohoku-Earthquake-20110311.pdf?uselang=fr

Les résultats des chercheurs montrent que ce mégaséisme a fortement affecté les forces tectoniques de l’ensemble du l’archipel japonais, et en particulier les zones volcaniques. Des variations d’anisotropie ont été observées autour des volcans après le séisme. La zone volcanique du Mont Fuji, distante de plus 400 km de l’épicentre mais situé à l’intersection de 3 plaques tectoniques (plaque Eurasiatique à l’ouest, plaque Philippine au sud et plaque Okhotsk au nord et à l'est), a été particulièrement affectée. 

 

Positionnement du Mont Fuji (triangle gris) dans le contexte tectonique : PHS = plaque Philippine, EUR = plaque eurasiatique, NAM = plaque Nord-Américaine ou plaque Okhotsk). Source : https://www.nature.com/articles/s41467-019-13156-8

Les variations temporelles de l’anisotropie sismique montrent bien qu’après le séisme, l’anisotropie sismique change à l’est du mont Fuji, en s’orientant dans la direction du séisme. 

Mais, de façon inattendue, dans la zone hydrothermale de Hakone (juste à l’est du Mont Fuji), les chercheurs observent aussi une variation très rapide de l’anisotropie un mois après le séisme. Pour expliquer ce phénomène, l’étude propose que le séisme ait comprimé le système hydrothermal et donné naissance à une onde de propagation des fluides hydrothermaux (ou onde de porosité) qui a voyagé depuis environ 3km de profondeur jusqu’en surface à une vitesse de l’ordre de 1mm/s.

 

Perturbation de la zone hydrothermale d’Hakone et onde de porosité suite au séisme du Tohoku de 2011. Les ellipses bleues représentent des fissures qui s'agrandissent au passage des fluides hydrothermaux. Source : http://www.ipgp.fr/fr/imager-perturbations-volcaniques-liees-aux-grands-seismes

Par ailleurs, ce modèle est corroboré par la mesure de la température des sources hydrothermales où les chercheurs ont constaté une augmentation de la température (passage de 42,5°C à 45°C) au moment de l'arrivée de la "vague". On pourrait ainsi décrire le phénomène comme un lent tsunami hydrothermal.

Ces résultats démontrent qu'une meilleure compréhension de l'origine de l'anisotropie et de ses changements temporels sous les volcans et dans la croûte peut fournir un nouvel éclairage sur les processus actifs. Une mesure continue de l’anisotropie pourrait s’avérer très utile dans le cadre de la surveillance et de la prévision volcaniques et de la compréhension des relations entre activités sismiques et volcaniques.

D'après cet article.

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