Bouleversement dans la compréhension de l'origine embryologique et de l'évolution de l'adénohypophyse

 Thèmes : évolution, développement, système endocrinien

L'axe hypothalamo-hypophysaire est une interface entre le système nerveux et le système endocrinien, impliqué dans de très nombreuses régulations physiologiques : reproduction, développement post-embryonnaire, stress, homéostasie hydro-minérale ...

L'hypophyse est un organe d'origine double. La neurohypophyse provient du diencéphale, qui est une partie du tube neural et qui donc fait partie du système nerveux central. Ainsi ses relations avec l'hypothalamus sont purement nerveuses. Par conséquent, l'ocytocine et la vasopressine (ou hormone anti-diurétique), produites par les neurones dont le corps cellulaire est dans l'hypothalamus sont des neurohormones libérées dans la circulation sanguine dans cette neurohypophyse.

L'adénohypophyse ou antéhypophyse ou hypophyse antérieure ne provient pas du tube neural et donc les relations avec l'hypothalamus se font via un système porte circulatoire. Les neurohormones (telles que la GnRH) sont déversées dans le sang et agissent sur leurs cibles dans l'adénohypophyse en provoquant la sécrétion d'hormones (telles FSH et LH) vers les organes cibles.

Classiquement, l'adénohypophyse est considérée comme provenant seulement d'un épaississement de l'ectoderme qui forme une placode (d'autres placodes forment ailleurs le cristallin de l'œil, le nez ou l'oreille). Cet épaississement de l'ectoderme de la bouche s'invagine (formant la poche de Rathke) et migre vers la neurohypophyse à laquelle elle s'attache.

Le modèle classique de développement du complexe hypothalamo-hypophysaire

 Des chercheurs américains viennent de publier un article dans Science qui montre que de l'endoderme est aussi impliqué dans la formation de l'adénohypophyse et pas seulement la placode ectodermique dans la bouche.

Cette étude a été menée chez le poisson-zèbre, un modèle classique de génétique du développement. L'embryon est transparent ce qui facilite les études de lignage cellulaire et les chercheurs ont aussi utilisé la technique de transcriptomique unicellulaire (grâce à laquelle on peut étudier l'expression des gènes cellule par cellule). Les chercheurs ont découvert que l'ectoderme qui forme la poche de Rathke fusionne avec une invagination de l'endoderme (appelée la poche de Seessel et donc la fonction était restée mystérieuse jusqu'à cette étude) et que c'est l'ensemble qui forme l'adénohypophyse. Celle-ci est donc composée à 20% de cellules en provenance de l'endoderme et ces cellules contribuent aux cellules productrices d'hormones tout comme les cellules de l'ectoderme. 

Les cellules endodermiques expriment un fluorophore rouge (à gauche) et contribuent à l'adénohypophyse d'un poisson-zèbre à 5 jours post-fécondation. A droite, schémas récapitulatifs du développement de l'adénohypophyse (ADH ici). Source : DOI: 10.1126/science.aba4767


Les chercheurs ont ensuite étudié des poissons-zèbres mutants qui ne forment pas de poche ectodermique de Rathke et ils se sont rendus compte que l'adénohypophyse se forme quand même avec des éléments uniquement endodermiques mais est plus petite.

Cela a des implications pour l'évolution, car une structure rappelant une hypophyse avait été observée chez des Cordés non vertébrés (tels que les ascidies ou l'amphioxus) mais était d'origine endodermique. L'homologie avec l'adénohypophyse des Vertébrés n'était donc pas d'actualité (car pas même origine embryologique). La découverte des chercheurs américains montre qu'au moins une partie de l'adénohypophyse des Vertébrés est bien homologue à la structure observée chez les Cordés non vertébrés. L'adénohypophyse est donc une structure bien plus ancienne que ce que l'on pensait précédemment.

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