Une mutation dans une protéine d'import dans le noyau permet de résister au VIH

Thèmes : VIH, mutation, maladie génétique

De notables progrès sur les cycles de réplication des virus ont été faits en étudiant des personnes naturellement résistantes à ces virus. L'exemple le plus classique concerne le VIH avec le gène CCR5 qui code une protéine membranaire nécessaire à l'entrée du virus dans les monocytes/macrophages/lymphocytes CD4+. Une mutation dans ce gène présente dans 0,3% de la population mondiale les rend naturellement protégés du VIH. 

Dans un article paru avant-hier dans la revue PLOS Pathogens, des chercheurs espagnols montrent qu'une deuxième mutation, plus rare (une centaine de personnes dans le monde) et affectant les muscles, donne une résistance au VIH. C'est assez surprenant car on se demande ce que les muscles ont à voir avec le système immunitaire qui est la cible du virus.

Le gène impliqué s'appelle Transportine-3 ou TNPO3 et la mutation en question (une mutation ponctuelle dans le codon stop qui aboutit à 15 acides aminés supplémentaires en C-terminal dans la protéine) provoque une forme particulière de dystrophie musculaire. La protéine TNPO3 est impliquée dans l'import nucléaire des protéines riches en serine/arginine. Le domaine impliqué dans le transport se trouve dans la région C-terminale et donc les 15 acides aminés supplémentaires doivent perturber les interactions avec les partenaires de la protéine. Pour l'instant, en ce qui concerne la dystrophie musculaire, on ne connait pas précisément l'import de quelle(s) protéine(s) est affectée et qui cause la maladie.

TNPO3 était déjà apparu dans des criblages pour savoir quels gènes étaient importants pour la propagation du virus. Une interaction directe entre TNPO3 et la protéine Intégrase du VIH avait été démontrée. Les chercheurs ont prélevé des cellules sanguines des patients mutés atteints de la dystrophie musculaire et ont cherché à les infecter par le VIH en laboratoire. Les lymphocytes des patients se sont révélés résistants au VIH. Les auteurs ont bien entendu vérifié que le niveau d'expression de CCR5 était normal dans ces cellules. La mutation provoque bien un défaut d'import des protéines virales vers le noyau et notamment de l'intégrase qui permet l'intégration de l'ADN produit par rétrotranscription dans le génome de l'hôte. Donc le cycle viral ne peut s'accomplir correctement. 

Cycle du VIH. Notez l'intégrase dans le noyau dont l'import nucléaire est perturbé si TNPO3 est muté. Source : https://planet-vie.ens.fr/article/1463/virus-sida

L'importation d'une autre protéine est perturbée, CPSF6, qui est codée par le génome de l'hôte. Cette protéine est aussi nécessaire à l'accomplissement du cycle du virus.

CCR5 et TNPO3 ne sont surement pas les seuls gènes où des mutations provoquent une protection naturelle au VIH. D'autres cibles thérapeutiques possibles sont encore à découvrir.


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