Des Australopithèques habiles

Pour Agreg et CAPES
Thèmes : évolution des homininés, squelette




Les Primates ont le pouce opposable aux autres doigts, mais seuls les humains du genre Homo ont des capacités de tenir précisément de petits objets dans leurs mains entre leur pouce et un autre doigt (l'index le plus souvent). C'est ce que l'on pensait...jusqu'à l'étude publiée dans Science le 22 Janvier par des chercheurs européens. Il faut désormais ajouter au moins une espèce d'Australopithèque à la liste des espèces avec cette capacité: Australopithecus africanus qui a vécu en Afrique du Sud entre -3 et -2 millions d'années (et incidemment la première espèce d'Australopithèque découverte en 1925 (enfant de Taung) bien avant Lucy qui appartient à Australopithecus afarensis). 

On avait déjà retrouvé des outils de pierre assez grossièrement taillés datant de 3,2 à 3,4 millions d'années. Mais aucune preuve directe convaincante provenant de fossiles n'avait été jusqu'à présent apportée d'une capacité de préhension fine à cette époque. Des analyses poussées par scanner de la partie spongieuse d'os de doigts fossilisés datant de 3 à 2 millions d'années ont été réalisées. Ce tissu, constitué de lamelles entremêlées (ou trabécules) qui lui donnent l'aspect d'une éponge, se remodèle au cours de la vie d'un individu selon ses activités (et les pressions qu'elles exercent sur ce tissu). Attraper des objets entre le pouce et l'index provoque des contraintes asymétriques dont les conséquences sont bien visibles sur les os de ces doigts chez les humains. D'autres activités comme attraper des branches ou manipuler un gros bâton ne provoque pas ces contraintes. Chez les os des doigts d'Australopithecus africanus on a retrouvé les mêmes modifications que chez des doigts du genre Homo. Par contre, Australopithecus afarensis (l'espèce à laquelle appartient Lucy) n'a pas ces modifications. 

Ces découvertes permettent de renforcer l'idée que l'élaboration et l'utilisation d'outils étaient plus précoces que supposé précédemment et que le critère "fabrique et utilise des outils élaborés" pour le genre Homo est plutôt une accentuation d'une tendance déjà ancienne plutôt qu'une véritable rupture. Pour la différence entre A. africanus et A. afarensis, il est tentant de spéculer que A. africanus serait plus proche des premiers Homo que A. afarensis. Ses dents et sa morphologie crâno-faciale ont déjà été remarqués comme "plus humaines" dans des études précédentes que ceux de Lucy and Co. En revanche, ses bras et ses pieds (notamment ses orteils) se rapprochent plus des chimpanzés. Donc difficile de conclure dans une foultitude de caractères mosaïques. 


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