La fonction respiratoire des branchies des vertébrés est plus tardive évolutivement que la fonction d'osmorégulation

 Thèmes : physiologie animale, respiration, excrétion, évolution

Les branchies des poissons actuels leur permettent d'échanger des gaz respiratoires mais aussi d'échanger des ions avec leur milieu de telle manière à réguler leur osmolarité. L'idée qui prévalait jusqu'à présent était que chez les ancêtres des vertébrés, qui étaient des microphages, les branchies avaient essentiellement un rôle de piège pour les particules alimentaires et que c'était la peau qui permettait les échanges gazeux et ioniques. La taille de ces animaux était alors limitée et c'est le passage à une respiration et à une osmorégulation branchiale avec une surface d'échange moins répartie sur tout le corps mais paradoxalement plus étendue (à cause des multiples lamelles) et grâce à une circulation sanguine plus efficace que les vertébrés ont pu gagner en taille et en activité.

Un article paru dans Nature cette semaine montre les travaux de chercheurs canadiens pour tester cette hypothèse. Ils se sont tournés vers la lamproie qui est un vertébré sans mâchoire et parasite. Ses larves appelées ammocètes ne sont pas parasites mais des microphages qui filtrent des particules alimentaires grâce à leurs branchies. Les auteurs de l'article ont enfermé ces larves dans des structures compartimentées permettant d'isoler les branchies et ils ont mesuré les échanges gazeux et ioniques de manière comparée entre les branchies et le reste de la surface du corps. Ils se sont rendus compte que les larves les plus jeunes respirent presque uniquement par la peau et peu par les branchies, mais qu'au fur et à mesure de la croissance des larves, la part des échanges gazeux à travers les branchies augmente progressivement. En revanche, les branchies sont impliquées quelque soit l'âge dans les échanges ioniques.

Les auteurs ont ensuite étudié Saccoglossus kowalevskii, un hémi-chordé (un Deutérostomien qui n'est ni un cordé, ni un Echinoderme) qui se nourrit par microphagie avec ses branchies.

Saccoglossus kowalevskii. Les fentes branchiales sont indiquées. Source : 
https://news.berkeley.edu/2015/11/19/acorn-worm-genome-reveals-gill-origins-of-human-pharynx/

Ils ont profité de ses capacités de régénération pour le couper en 2 avec une partie antérieure qui a des branchies et une partie postérieure qui n'en a pas. Et les deux moitié ont réalisé des échanges gazeux similaires, ce qui montre bien que les branchies ne jouent pas de rôle dans la respiration. En ce qui concerne les échanges ioniques, les auteurs ont trouvé des expressions de gènes habituellement exprimés dans les ionocytes nettement plus élevées dans les branchies que dans l'épiderme. Et c'est également le cas chez l'Amphioxus, un Céphalocordé.

Il y a donc un faisceau d'arguments pour dire que la fonction d'osmorégulation des branchies est très ancienne (peut-être liée à l'origine à la production de mucus qui facilite le piégeage des particules alimentaires) et que ce n'est qu'après elle que s'est développée la fonction respiratoire des branchies par exaptation (nouvelle fonction d'un organe qui a été initialement sélectionné pour une autre raison).

 a) On a longtemps pensé que les échanges gazeux (absorption d'O2 et libération de CO2) et la régulation ionique (transfert d'ions entre le corps et son environnement) se produisaient à travers la peau, sur toute la longueur du corps, chez les ancêtres des vertébrés. b) Dans un article récent de Nature, les auteurs présentent des preuves d'une nouvelle hypothèse : les échanges d'ions se produisait principalement au niveau des branchies beaucoup plus tôt dans l'évolution. c) Les auteurs présentent des données suggérant que, à mesure que les vertébrés ont évolué pour devenir des organismes plus grands et plus actifs, les branchies sont devenues le site dominant des échanges gazeux. Source : https://www.nature.com/articles/d41586-022-03220-7


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